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Damn Fine Coffee
24 juillet 2011

Near The Edge Of Night - Chapitre 4

Blood

1er mai 1985 – 18:32

D'un geste sec, il claque la portière de la voiture, sans prendre la peine d'éteindre le gyrophare qui illumine l'allée de sa lumière bleutée.

Le cœur battant, il tire son revolver pendant qu'il se dirige en courant vers la maison, suivi de près par les trois agents qu'il a réunis, au pied levé, dans les locaux de Pittsburgh.

Dans quelques secondes, il découvrira la vérité. Et rarement la vérité lui a fait aussi peur.

Il a essayé d'entrer en contact avec le safe house sans arrêt, depuis le coup de fil reçu au FBI à peine une demi-heure auparavant. C'est lui qui a décroché le téléphone, interrompant la rédaction de son rapport d'autopsie – c'est lui qui a cru reconnaître, entre deux séries de mots incohérents, la voix paniquée de Windom Earle.

En soi, le simple fait d'entendre la voix d'Earle trembler est déjà une raison suffisante pour s'inquiéter sérieusement.

Albert n'a pas vraiment compris ce qu'il tentait de lui expliquer au téléphone. Il a seulement cru discerner les mots « safe house », « Caroline » et « secours » avant que la communication ne soit coupée - il ne lui en a pas fallu davantage pour rassembler, en toute hâte, quelques agents disponibles pour se rendre sur place.

Pendant tout le trajet hors du centre de Pittsburgh, les deux mains crispées sur le volant et roulant beaucoup trop vite sur la nationale, il a tenté de contacter Cooper en utilisant la ligne sécurisée du safe house, directement connectée à la radio de la voiture. Il a laissé sonner, longtemps, essayant de se rassurer lui-même en maudissant Cooper d'être trop occupé pour entendre le téléphone.

Mais il sait, au fond de lui, que Cooper aurait répondu. Si tout allait bien, il aurait répondu – lui ou Caroline Earle.

Or, aucun des deux n'a donné signe de vie. Et Albert a un très mauvais pressentiment.

Ses collègues sur les talons, il remonte précipitamment l'allée que la pluie a rendue glissante, et tous les quatre se déploient en formation autour de la porte d'entrée, en silence et arme au poing.

Un signe de tête, et il pose une main sur la poignée, prêt à faire feu.

La porte s'ouvre sans résistance. Le nœud dans la poitrine d'Albert se serre encore un peu plus – Coop n'est pas assez fou pour laisser la porte blindée ouverte aux quatre vents.

Lorsqu'il crie « Go ! » en ouvrant la porte d'un violent coup de pied, sa propre voix mal assurée lui fait peur. Les agents investissent l'entrée de la maison, le doigt sur la détente – hurlent « Federal Bureau of Investigation » et inspectent les quatre coins de la pièce d'un rapide coup d'œil, pendant qu'Albert, déjà trempé par la pluie, passe à son tour le pas de la porte.

Les lumières sont allumées, le silence total. Il s'efforce d'adopter un ton sûr et stable lorsqu'il appelle Cooper et Caroline à voix haute. Autour de lui, ses collègues s'organisent pour fouiller la maison, appliquant la procédure réglementaire. Albert longe précautionneusement le mur du couloir avant de débouler, tenant son revolver des deux mains, dans la cuisine.

Et son cœur manque un battement.

Ils sont là, tous les deux, allongés sur le carrelage ocre.

Elle, portant une robe à fleurs et des talons noirs, a les yeux grand ouverts, fixant le plafond immaculé d'un regard vide. Sa tête, encadrée par une cascade de cheveux blonds, repose sur l'épaule droite de Cooper - comme si elle s'était endormie serrée contre lui, comme si la scène était terriblement ordinaire.

Ordinaire, oui - s'il n'y avait pas cette tache écarlate, formant comme une grande rose sombre sur le tissu coloré de sa robe. Si, de sa bouche entr'ouverte, ne s'écoulait pas un mince filet de sang traçant un sillon tout le long de sa joue.

Cooper est allongé sur le dos lui aussi, vêtu de son éternel costume noir. Les yeux fermés, les cheveux toujours parfaitement lissés sur le crâne, un bras passé sous la nuque de Caroline Earle comme pour lui soutenir la tête - et son visage, d'une pâleur presque bleutée sous l'éclairage blafard de la pièce.

Et tout ce sang, là encore – la chemise blanche devenue rouge, la cravate absorbant une partie du liquide, et un autre filet écarlate au coin de la bouche qui, aux yeux du médecin expérimenté qu'est Albert, crie « Danger » tout autant que la monstrueuse quantité de sang couvrant la région abdominale.

Pendant quelques secondes, Albert ne peut que se tenir dans l'encadrement de la porte, pétrifié. Incapable de détacher son regard de la flaque rouge qui s'étend sous les deux corps, à l'image d'une abominable mise en scène grand-guignolesque.

Il entend à peine, derrière lui, l'un de ses collègues revenir au pas de course. « Dr. Rosenfield… R.A.S., toutes les pièces sont vides. Pas de signe d'effraction, et le - »

La voix, qui parvient à ses oreilles comme étouffée dans du coton, s'interrompt subitement lorsque le jeune agent – il s'appelle Williams, lui semble-t-il - découvre, à son tour, Cooper et Caroline.

« Oh, mon dieu. »

Ils sont morts. Ils ne peuvent être que morts. Albert s'efforce de prendre une profonde inspiration et se dirige vers eux, puis s'agenouille à leur côté, évitant d'entrer en contact avec le sang répandu sur le dallage.

Les yeux vitreux de Caroline ne lui laissent pas même le bénéfice du doute – après tout, il passe le plus clair de son temps en compagnie de cadavres, et il y a des signes qui ne trompent pas. Par pur réflexe, il tâte son pouls – absent, bien sûr.

Elle est morte.

Merde. Oh, merde.

D'un geste mal assuré, il tend la main vers Coop et pose deux doigts sur sa nuque. Son propre cœur fait un bond dans sa poitrine lorsqu'il sent, à peine perceptible mais indéniablement présente, une faible palpitation de la carotide. Aussitôt, une vague d'espoir le submerge et se mêle à l'horreur dans son esprit.

« Appelez une ambulance », hurle-t-il, plus fort qu'il ne l'aurait voulu, aux trois agents debout derrière lui, avec l'envie irrépressible de les secouer par les épaules. « Cooper est vivant, appelez une putain d'ambulance ! »

Des pas qui s'éloignent, un talkie-walkie qui crépite, une voix demandant les secours. Et c'est seulement à ce moment qu'il réalise qu'il y a une troisième personne dans la cuisine.

Abasourdi, Albert détourne son attention de Cooper et dévisage Windom Earle, assis dans l'angle formé par le mur et le réfrigérateur, les genoux repliés contre la poitrine et le regard dans le vague - apparemment oublieux de l'enfer dans lequel il se trouve.

« Williams – occupe-toi d'Earle. » Un ordre sec et cinglant qui lui échappe spontanément. Il n'a pas de temps à perdre à s'interroger sur la présence de l'agent Earle au milieu de cette scène cauchemardesque. À l'heure actuelle, ses pensées sont accaparées par la seule chose qu'il soit, peut-être, en mesure de réussir – sauver au moins la vie de Dale Cooper.

Sous ses doigts, le pouls bat vite, beaucoup trop vite, signe d'un état de choc. Le sillon écarlate qui coule de la bouche de Cooper crie « hémorragie interne » à pleins poumons, ce qui est loin de rassurer Albert. Jetant un regard désespéré autour de lui, il avise une paire de ciseaux sur le plan de travail, et s'en sert pour découper la chemise trempée de sang.

Il s'attendait au pire, mais ne peut s'empêcher, malgré tout, d'ouvrir de grands yeux en découvrant l'étendue des dégâts.

Coup de couteau, pense-t-il. Un coup de couteau, un seul, infligé par un agresseur diablement précis et sûr de lui. Une plaie de quelques centimètres de long, s'étendant en diagonale environ 2,5 cm sous le sternum. Albert n'a même pas envie de songer à tous les dommages internes que l'arme a probablement causés dans la région thoracique.

Une désagréable petite voix, quelque part au fond de son crâne, lui murmure que la quantité impressionnante de sang que son collègue et ami a perdue résulte sans aucun doute de dégâts artériels majeurs.

Si l'artère aorte est touchée, alors le simple fait que Cooper soit encore de ce monde relève du miracle.

Et les chances de survie sont infimes.

Pour le moment, il ne peut rien faire d'autre que de tenter d'endiguer l'hémorragie. Après avoir enfilé une paire de gants stériles, il pose ses deux mains sur la plaie, sur la peau anormalement froide du ventre, et presse de toutes ses forces. Du coin de l'œil, il voit Windom Earle toujours assis sur le sol, l'agent Williams agenouillé à ses côtés, apparemment perplexe. Earle a l'air indemne, constate-t-il – physiquement, du moins. Mentalement, il n'a jamais vu Windom Earle perdre son calme et son sang-froid – et encore moins paraître totalement déconnecté de la réalité.

Les minutes passent, interminables, pendant lesquelles Albert reste appuyé sur le ventre de Coop, alors que l'atrocité de la situation commence, lentement, à se frayer un chemin dans son esprit.

Caroline Earle est morte. Assassinée. Et Cooper, si ces foutus secours ne se dépêchent pas d'arriver, risque fort de suivre le même chemin.

Au moment même où ces sombres pensées s'immiscent dans son cerveau, il entend, au loin, les sirènes de plusieurs véhicules. À nouveau, il sent une bouffée d'espoir monter en lui - espoir qui faiblit aussitôt lorsque, en mesurant une nouvelle fois le pouls de Cooper sur sa gorge, il a du mal à le sentir sous ses doigts.

« Ne me fais pas ça, Coop. S'il te plaît, ne me fais pas ça. » Les prières et les supplications n'ont jamais été sa spécialité, mais cette fois, il ne trouve rien d'autre à dire.

De toute façon, il serait étonné que Cooper l'entende.

Une porte claque, derrière lui, et soudain la cuisine est envahie par les renforts – des agents vêtus de leur anorak bleu du FBI, quelques hommes de la police locale et des médecins en blouse blanche, équipés de civières et masques à oxygène.

Albert se relève, et un policier en uniforme, à sa gauche, déclenche son appareil photo. Le flash illumine brièvement la pièce d'un éclair blanchâtre, et pendant une seconde, la peau de Cooper paraît encore plus pâle. Comment l'homme peut être en vie avec une blessure d'une telle gravité, le médecin qui est en Albert ne parvient pas à se l'expliquer.

Une fois les photos réglementaires prises et la scène de crime immortalisée, les secouristes dégagent doucement le corps de Caroline Earle et transfèrent Cooper sur la civière. À cet instant seulement, Albert aperçoit la grande traînée rouge sur le carrelage, qui s'éloigne du cadavre de Caroline pour tracer un chemin sanglant le long du couloir, et jusqu'à la porte de la chambre à coucher.

Il désigne la trace au flic le plus proche, un grand brun costaud qu'il ne connaît pas. « Elle a été transportée », dit-il, avec une voix qu'il parvient à rendre calme et contrôlée, cette fois. « Elle a dû être tuée dans la chambre et déplacée jusque dans la cuisine. »

Le grand costaud hoche la tête. « Les deux corps enlacés comme ça, ça sent la mise en scène à plein nez. Notre cinglé les a délibérément placés dans cette position. »

Albert acquiesce, en silence. Il s'écarte pour laisser passer un autre type en blouse blanche, qui escorte Windom Earle hors de la pièce pendant que les collègues du FBI, à l'intérieur, commencent l'inspection minutieuse des lieux. Hagard, le regard fixe et les traits tirés, Earle n'a toujours pas l'air de comprendre le chaos qui règne autour de lui. Il n'a pas prononcé une parole depuis son coup le fil décousu reçu à Pittsburgh.

Se désintéressant de l'analyse de la scène de crime, Albert suit les ambulanciers dans l'entrée, puis dans le jardin. Dehors, la pluie continue de tomber dru. Les gouttes s'écrasent, bruyamment, sur la bâche noire qui recouvre le corps de Caroline - le corps dont, vraisemblablement, il réalisera lui-même l'autopsie, une fois arrivés à la morgue.

Pour l'instant, cependant, il ne veut pas quitter Cooper. D'une certaine façon, sans bien comprendre pourquoi, il se sent responsable de sa survie – si Coop a la moindre chance de s'en sortir, alors il l'y aidera. Les secouristes semblent avoir accepté cette décision, puisque personne ne pose de questions lorsqu'il monte dans l'ambulance à la suite des brancardiers, s'assoit sur la banquette latérale et se penche à nouveau sur un Cooper au teint plus cadavérique que jamais.

Il observe sa respiration faible et irrégulière sous le masque à oxygène, la tache écarlate qui paraît encore avoir grossi sur le tissu blanc de sa chemise, le liquide translucide de la perfusion posée d'urgence sur son bras droit. Le jeune médecin assis en face, l'index posé sur sa gorge, qui mesure consciencieusement son rythme cardiaque une fois par minute.

Pendant que l'ambulance fonce sur la nationale en direction du Western Pennsylvania Hospital, Albert se souvient pourquoi il a choisi, dix ans auparavant, de consacrer sa carrière aux morts plutôt qu'aux vivants. Précisément parce qu'il déteste cette sensation d'impuissance, à regarder un patient mourir sous ses yeux sans qu'il puisse rien y faire. Chez les cadavres, au moins, les dés sont lancés. Le travail d'Albert ne prend pas en compte le terrible facteur de la survie, l'angoisse permanente de l'échec.

Angoisse qui, à cet instant, lui dévore douloureusement la poitrine.

Car en plus de faire partie de la catégorie des vivants (il s'interdit de penser « pour combien de temps ? »), Coop n'est pas simplement une victime parmi les autres, anonyme et inconnue. C'est également un ami - un ami qu'il connaît depuis que ce dernier a pris ses fonctions à Pittsburgh, fraîchement débarqué de Quantico à vingt-trois ans.

Malgré l'irritation initiale d'Albert face aux méthodes parfois déconcertantes de Dale Cooper et leurs personnalités diamétralement opposées, il doit bien avouer que leur relation a fini par se transformer, au cours de ces deux ans et demi de travail en équipe, en une réelle amitié.

Une amitié qu'il n'a pas envie de perdre. Et surtout pas comme ça.

Une secousse, et il sent l'ambulance s'arrêter brutalement. Il relève la tête et aperçoit, à travers la vitre battue par la pluie, l'enseigne lumineuse indiquant l'entrée des urgences. Les portières arrière du véhicule s'ouvrent avant qu'il ait eu le temps de se lever, et il prend en main la poche de liquide intraveineux, escorte au pas de course les brancardiers qui évacuent Cooper vers l'hôpital.

Et c'est l'habituelle panique de l'arrivée au service des urgences, une autre bonne raison de lui faire préférer la médecine légale - les ordres confus criés par le personnel en émoi, les médecins affluant de toutes parts, la succession des portes battantes le long de l'interminable couloir menant au bloc opératoire, l'odeur entêtante du désinfectant qui flotte entre les murs vert pâle.

« Je prends la relève à partir d'ici. Merci pour votre aide. »

Il se retourne, cherche à identifier celui qui vient de lui adresser la parole. Un médecin au visage protégé par un masque chirurgical surgit à ses côtés, lui prend la perfusion des mains et hoche la tête sans rien ajouter, le laissant les bras ballants au milieu du couloir.

L'espace d'un instant, Albert est tenté de répliquer – d'insister pour les accompagner au bloc, ou peut-être de leur mettre sa carte du FBI sous le nez – mais se ravise. Il n'est certainement pas meilleur chirurgien que l'équipe qui vient de prendre Cooper en main, et ses compétences de flic n'ont plus aucune importance à ce stade. La nature de la blessure est claire, et il a beau chercher, il ne voit pas à quoi il pourrait se rendre utile ici et maintenant.

Une pénible sensation de vide l'envahit alors qu'il suit Cooper du regard, silhouette noire et rouge au milieu de ce monde pastel et stérile. Lorsque les portes de la salle d'opération se referment sur lui, Albert reste planté là, immobile, pendant plusieurs minutes.

La seule chose à faire, à présent, est de s'asseoir quelque part dans une salle d'attente, fumer cigarette sur cigarette dans une tentative futile de faire baisser le stress, et attendre le diagnostic.

La dernière fois qu'il s'est retrouvé dans cette situation, se souvient-il, c'était pour sa grand-mère, quand il était gamin. Ce jour-là, il a passé trois heures sur les genoux de ses parents, dans un hôpital new-yorkais, avant qu'un médecin en blouse blanche ne leur annonce, à voix basse, qu'ils ont tout essayé - mais qu'il est trop tard.

Il était trop petit, à cette époque, pour réellement ressentir l'inquiétude dévorante, la terrible incertitude de l'attente, ou pour comprendre le silence accablé de son père et de sa mère, pendant que le petit garçon qu'il était s'impatientait quelque peu.

Maintenant, il ne comprend que trop bien.

Il a à peine fait deux pas en direction du hall qu'il pense subitement à Gordon Cole.

En toute logique, personne ne l'a mis au courant.

Cole est le supérieur de Cooper et de lui-même depuis deux ans, et Albert considère qu'il est de son devoir de le prévenir. Il a horreur d'annoncer ce genre de mauvaises nouvelles au téléphone - mais au moins, comme ça, délèguera-t-il à Gordon la lourde tâche de transmettre le message au père de Cooper. Lui-même ne s'en sent pas capable.

Il retourne à l'accueil, ses pas résonnant dans les couloirs redevenus calmes, et demande où il peut téléphoner. « Albert Rosenfield, FBI », ajoute-t-il, plus par réflexe que par réel besoin.

L'infirmière tenant lieu de standardiste lève les yeux de ses papiers - surprise et, pense-t-il, un rien impressionnée. « Vous êtes là pour l'agent qui s'est fait poignarder ? »

Il laisse échapper un sifflement furieux entre ses dents serrées. Moins de dix minutes se sont écoulées depuis que Cooper a été admis aux urgences, et déjà le monde entier est au courant de l'affaire. Foutus médecins et leur passion pour les ragots.

« C'est ça. » Froidement, sèchement. La sympathie attendra.

« Alors vous pouvez utiliser le téléphone du bureau. Juste ici. » Elle se lève, ouvre une porte sur sa gauche et le fait entrer, le laissant seul dans une pièce exigüe, sans fenêtre et éclairée par un néon blafard.

Il se laisse lourdement tomber dans le siège le plus proche, et jette un coup d'œil à sa montre - 19:14. Gordon Cole sera certainement encore au Bureau. Il décroche le téléphone et compose le numéro, se demandant vaguement comment formuler la nouvelle.

Gordon décroche à la deuxième sonnerie. « FEDERAL BUREAU OF INVESTIGATION PITTSBURGH, REGIONAL BUREAU CHIEF GORDON COLE, J'ÉCOUTE. »

En d'autres circonstances, il aurait probablement réprimé un rire – cette entrée en matière ridiculement longue débitée à un rythme de mitrailleuse, associée à la voix tonitruante de Cole ne manque jamais de faire son effet. Aujourd'hui, cependant, son humeur n'est pas à la plaisanterie.

« Gordon ? Albert à l'appareil. »

« ALBERT ! CONTENT DE T'AVOIR AU BOUT DU FIL. COMMENT VAS-TU ? »

OK – il avait donc raison, personne ne l'a prévenu. Pendant une seconde, il se sent perdu. La bonne humeur clairement audible de son supérieur lui rend les choses encore plus difficiles. En deux ans, il ne croit pas avoir jamais entendu Cole se départir de son éternel ton jovial.

Eh bien, songe-t-il sombrement, le moment est sans doute venu.

« Gordon – je suis aux urgences du Western Pennsylvania. On a un gros pépin. Coop est gravement blessé - »

Un silence pesant au bout du fil, et Albert juge préférable de tout déballer d'un coup.

« On l'a trouvé au safe house, il y a trois quarts d'heure. Gordon… Caroline Earle est morte. Elle a été assassinée. »

Nouveau silence, si long qu'il se demande si Gordon n'a pas raccroché. Puis -

« CAROLINE EARLE EST MORTE ? »

Sans trop savoir si c'est la surdité de Cole ou le choc qui lui a fait répéter la phrase, il acquiesce, à voix basse.

« Elle a reçu un coup de couteau. Cooper aussi, mais il a survécu – pour l'instant. Il vient d'entrer en chirurgie. » Un moment d'hésitation, puis – « C'est grave, Gordon. Ça ne sent pas bon du tout. Hémorragies interne et externe massives, probables lésions pulmonaires et artérielles. »

Il se rend compte que formuler les faits à voix haute rend leur assimilation encore plus pénible.

« ALBERT, EST-CE QUE - » Longue pause. « OK, NE BOUGE PAS, J'ARRIVE. » La voix est tendue, tremblante, presque méconnaissable. Gordon raccroche le combiné avant qu'il ait pu ajouter quoi que ce soit.

Albert repose le téléphone, se lève lentement de son siège et sort du petit bureau, adressant un signe de tête à l'infirmière alors qu'il contourne le standard pour rejoindre le hall d'entrée. Du coin de l'œil, il avise le panneau « Cafétéria », sur le mur à sa droite.

En désespoir de cause, il décide d'aller faire le plein de tabac et de caféine.

La nuit sera longue.


À suivre...
CHAPITRE 5

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